décembre 08, 2016

un auteur n'a pas de valeur ...

On approche la fin de l’année et l’envie de faire un petit bilan me semble nécessaire. 
Quitte à en déplaire certains et certaines, je ne peux pas rester silencieuse sur une situation injuste.
Je vous invite à vous installer avec une tasse de thé, café ou plus solide si vous désirez. Le champagne par contre, ne me semble pas du tout approprié.

L’année 2016 a bien commencé avec un cinquième livre en route (Locker Hooking).
Je l’appelais mon n°5 à moi. Finalement il est arrivé dans les rayons qu’en septembre.
À temps pour les dédicaces lors du salon CréationsSavoirFaire à Paris. Hélas, certain(e)s d’entre vous auront peut-être remarqué l’emplacement vide lors du dernier salon CSF à Paris.
La cause ? 
Le 21 octobre dernier, j’ai reçu la nouvelle que mon éditeur (le groupe qui englobe les sociétés Carpentier-TuttiFrutti) rentrait en liquidation judiciaire. 
En sachant que les droits d’auteur ne sont calculés qu'après une année de vente et payés fin du mois d’octobre … je trouve que la date de mettre en liquidation est une bien belle coïncidence.
En plus, c’est à peine quatre semaines après que mon nouveau livre a été mis en vente. On peut se poser la question de l’utilité de sortir encore un livre quand on sait que fin du mois on ne peut plus payer les auteurs …
Un auteur n’est pas un créancier qui a un privilège quelconque, il est considéré comme « fournisseur ».
Je suis un simple fournisseur avec mes créations et mon savoir-faire pour faire fonctionner ce bureau d’édition et ses multiples directeurs-administrateurs-dirigeants-présidents (je marque en pluriel, car c’est ainsi), hauts responsables que l’on retrouve dans bien d’autres sociétés comme administrateurs, directeurs …. Ça ne doit pas être un job bien prenant si l’on peut cumuler à cette allure.
Le travail fourni, qui fait rentrer l’argent dans une de leurs sociétés, ne leur incombe pas. L’argent rentre par le travail de l’auteur, via ce qu’en fait le graphiste, les employés de la boîte. Les gestionnaires s’occupent de gérer….
L’on pourrait croire qu’avec un livre vendu, le gestionnaire mettrait de côté la partie qui ne lui appartient pas contractuellement, et dépense le reste à sa guise et selon sa vision de gérer une société. Euh, et bien non.
Écrire un bouquin, créer ses modèles, les exécuter, les faire vérifier, les fournitures … cela est un investissement que l’on essaie de récupérer un peu par la vente qui suit.
C’est vrai qu’il faut être idéaliste et vouloir partager sa connaissance pour s’y mettre, car on sait d’avance que l’on n’en deviendra jamais riche en € (par contre en contacts humains, si, c’était très enrichissant).
Néanmoins … on espère récupérer un peu de cet investissement et ce travail fourni.
Entre auteur et maison d’édition, il y a un contrat en bonne et due forme, qui crée un lien légal, mais aussi une relation de confiance. Sans cette dernière, pas possible de travailler, car l’auteur doit faire confiance quant au nombre de livres vendus, quant à la promotion et la diffusion à faire … pour tout.
Et j’ai travaillé avec plaisir et en bonne entente avec le personnel travaillant chez Carpentier.
C’était un engagement réciproque à fournir de beaux livres, instructifs et qui apportent ce petit plus aux lecteurs-lectrices.
Mais apprendre que l’on n’est que créancier chirographaire (c’est-à-dire : en droit français, un créancier simple, ne disposant d'aucune sûreté particulière à distinguer des créanciers privilégiés, comme le fisc ou les salariés d'une entreprise en difficulté) … ça fait mal.
Je ne toucherai probablement jamais rien sur les ventes réalisées depuis juillet 2015, ni sur la vente des livres encore en circulation … puisque le liquidateur dit déjà maintenant que la perspective de recouvrement de la créance est très incertaine …
et comme toutes les histoires judiciaires prennent des mois et des mois …
Cela  veut donc aussi dire qu’un contrat de salarié dans cette maison d’édition, vaut plus qu’un contrat entre la maison d’édition et un auteur -  alors qu’il faut savoir que sans auteurs … la maison d’édition n’est rien et n’existerai même pas.
Je ne sais pas comment les autres auteurs de la maison vivent cette situation.
Moi je suis révoltée.
Une rupture de contrat aussi brusque et sans compensation quelconque… Ça laisse un gout très amer en bouche.
On m’écrit que les gestionnaires ont tout fait pour trouver des solutions …. Quand je pose la question ‘quelles sont ces solutions recherchées ?’… on reste silencieux.
Encore …
Je l’encaisse mal, je le dis franchement. Il n’y a pas de honte à avouer qu’une situation est pénible à vivre, même sachant qu’il y a pire malheurs dans le monde.
Tous les investissements du passé se balaient d’un coup, sans pardon. Et cette façon d’agir, ma confiance donnée qui est bafouée ainsi, ça peine, ça déboussole. Mon engagement à livrer qualité et expertise, foutu ainsi à la poubelle, c’est merdeux.
En plus, la communication passe très mal … pas de tél, pas moyen de communiquer autrement que par mail (un seul directeur). D’un côté il vaut mieux, ainsi tout est écrit.
Par contre il faudrait encore recevoir des réponses à ses questions … pendant quatre semaines d’envois multiples de mails, ne recevoir que de temps à autre une réponse avec ‘je vais me renseigner’ … c’est décevant et surtout, c’est irrespectueux en plus d’être très frustrant. C’est un manque total de politesse et de savoir-vivre.
C’est montrer de la part de l’autre que vous ne valez pas une réponse, que vous êtes insignifiant.
Il m’a déjà fallu plusieurs semaines avant d’avoir un relevé des ventes réalisées jusqu’en juin 2016. Il m’a fallu deux déplacements pour récupérer mes affaires du dernier bouquin à cause d’un rendez-vous non respecté de l’autre partie.
Et hélas, …  ce n’est pas tout.
Au printemps 2016 je découvre fortuitement via internet que mon livre sur la frivolité au crochet est vendu en italien … depuis janvier 2014 !
Cette vente du droit à la traduction dont je devais être payé 50% au plus tard en octobre 2015… je n’en ai rien su !
Donc pas informée, pas payée non plus, et certainement pas maintenant après cette débâcle.

Le livre « Chiacchierino con l'uncinetto di Viviane Deroover » est d’ailleurs toujours en vente – sur amazon.it, sur différents sites de VPC.
J’ai écrit à l’édition à Rome, au bureau italien à Milan en ce qui concerne les droits d’auteur à payer … on se renvoie la balle comme un jeu de pingpong. Je crains que ce jeu va durer encore un peu...

Du coup, j’en suis à me remettre en question.
Réfléchir et essayer de digérer tout ça.
Prendre du recul. Pouvoir relativiser l’inquiétude.
Arriver à vider sa tête préoccupée….
Se rendre compte que l’on est trop naïve et trop confiante vis-à-vis des autres.
Faut-il investir dans une action juridique qui n’a d’ailleurs aucune garantie d’apporter un résultat positif ?
Est-ce que tout ceci doit être vu comme une opportunité? Est-ce le moment  pour virer de cap ?
Faut-il changer sa vision sur le partage et la transmission de ses connaissances?
J’ai beau être gentille, attentionnée, de caractère positif, il faut aussi assumer, en tant qu’indépendant, charges sociales et obligations financières.
Ça stresse un peu. Le corps encaisse jusqu’à un certain degré. Là, j’ai mal.

D’après certains, il y aurait encore assez de livres en circulation, mais je ne saurais dire combien ni pour combien de temps.
Désolée de ne pouvoir vous donner plus d’infos.
J’ai encore quelques exemplaires pour mes cours et ateliers suivants. Et puis … ?
Du coup, les démos annoncées pour promouvoir mon petit dernier Locker-Hooking sont annulées, vu que le bouquin ne sera peut-être plus en vente … ou peut-être que si ... pour deux trois semaines … ou plus … ou moins …. Là encore, aucune notion du nombre…
 Comment voulez-vous organiser des activités dans les prochaines semaines/mois ?
Pourtant, ça me tenait à cœur de vous communiquer ma passion pour la récup, pour les fils, les tissus, les textiles…

Le futur est toujours imprévisible et fait de surprises, la vie me l’a apprise à maintes reprises.
Ces surprises peuvent être mauvaises ou bonnes. Je n’ai hélas pas de boule en cristal pour déjà dire maintenant ce que je ferais en 2017, ce que seront les prochains mois.
J’ai toujours rebondi, mais avec le temps, on s’use …
Il me faudra du temps pour trouver une solution - sans pour autant me faire trop d’illusions.

En attendant, mes créations sont toujours mes créations, je garde le droit d’auteur, « non rémunéré » bien sûr,  et j’espère que l’on respectera ceci.

Voilà, ce message pour vous informer de ce qui me tracasse et perturbe actuellement.


Il me fallait ventiler ce grondement de colère qui bouillonne au fond de moi pour pouvoir retrouver une certaine sérénité.

Merci pour  votre persévérance si vous m'avez lu jusqu'au bout  😥 


24 commentaires:

  1. Quelle injustice! Cette situation est révoltante . Je comprends votre colère et j'espère que, comme vous le dites, vous allez rebondir, car les tricoteuses et autres travailleuses manuelles ont toujours besoin de votre savoir-faire et de votre créativité .

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  2. Bien sûr, j'ai lu ton message jusqu'au bout. Il m'a appris un tas de choses sur un milieu que je ne connais pas du tout. Hélas les faillites (ce mot est remplacé par liquidation judiciaire) lèsent tous ceux qui ne sont pas "créanciers privilégiés" c'est à dire en gros le fisc! J'ai bien peur que que tu n'aies jamais droit au moindre centime.
    Je comprends ta lassitude, et après une pause j'espère que tu retrouveras le gout (un peu amer) d'entreprendre, car il n'est soutenu par personne!
    Courage, bisous.

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    1. le plus choquant c'est en effet le fait de se dire que l'on vous donne vraiment l'impression de ne rien valoir en tant qu'auteur, exception du moment où l'on apporte son savoir-faire sur un plateau. Après, on vous paye un petit % si tout va bien, et puis ...

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  3. Je ne sais quoi te dire. (Je t'avais écrit, mais peut-être est ce parti dans les spams ; cela arrive de plus en plus) Une terrible injustice. Cette question de droits d'auteur doit pouvoir se défendre ; mais quelle bataille à entreprendre ! Un véritable conflit à engager... C'est écœurant !

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    1. ai bien reçu ton mail, et je t'enverrais réponse bientôt :-)

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  4. J'ai tout lu aussi et je suis révoltée !! Je sentais la colère monter au fur et à mesure. Quelle injustice, quel manque de respect. Certains s'en mettent plein les poches sur le travail des autres. Tu as tellement de talent, on a tellement de plaisir à découvrir toutes tes créations! Je te souhaite beaucoup de courage pour affronter tous ces problèmes. Tiens nous au courant, on te soutient, bien amicalement, annie35

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  5. Oh là là il y a de quoi être révoltée,dégoutée et bien davantage.............Pas de possibilité qu'un autre éditeur prenne le relais? Il n'y a pas d'avocat spécialisé dans ce genre d'escroquerie? je me mets à votre place c'est vraiment révoltant et le mot est faible. Vous faites un travail de qualité et se faire flouer ainsi................Courage!

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    1. merci, mais cela revient un peu cher de payer un avocat pour attaquer une société qui n'a plus un rond ...

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  6. Bonjour Viviane (aujourd'hui, je me permets de vous appeler par votre prénom).
    Je comprends votre abattement et votre colère. Mais comme vous le dites, vous êtes auteur et propriétaire de vos créations et je voulais vous dire ceci : j'ai toujours été étonnée (je le suis toujours d'ailleurs) que les explications de vos splendides châles du deuxième livre tricot dentelle (je m'excuse de ne pas connaître le premier :) )ne soient pas vendus individuellement sur Ravelry. Ca peut vous paraître dérisoire, une goutte d'eau face à tout ce dont on vous spolie, mais il me paraît tellement logique que vous vous "vendiez" sur ce site. En plus, vous me semblez très à l'aise avec l'anglais...
    Aussi, à votre place je serais moins dans l'interrogation quand à savoir si vous demandez réparation -ou non- : vous avez rempli votre part du marché (créer, rédiger, promouvoir votre savoir), à eux de remplir la leur : VOUS PAYER !
    On ne se connait pas mais je vous embrasse bien fort.

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    1. Bonjour Mitch, :-) - il faut savoir que tant que l'on est lié avec un contrat chez un éditeur, on lui cède le droit de publication. En retour il vous paye un droit d'auteur. A moins d'avoir l’autorisation de publier tel ou tel patron en fr ou autre langue, on ne peut pas publier les modèles sous autre forme que le livre. Et ça je ne l'avais pas. Maintenant que le contrat est rompu unilatéralement par eux, je pourrais le faire. Mais sachez que sur Ravelry il y a de tout: beaucoup de gratuit, de bons mais aussi de très mauvais patrons. Pour ce démarquer il faut un bon coup de bol ou le marketing US et pour cela je n'ai pas les moyens. Et c'est surtout une plateforme dirigé vers l'us et l'uk. Beaucoup de francophones n'y trouvent pas ce qu'elles cherchent. Par le passé j'ai eu des patrons en vente sur Ravelry (d'autre patrons) en fr et en en. Et il faut savoir qu'un patron que vous mettez 'free' est téléchargé un millier de fois dans la semaine. Un patron payant (même à 3.5€) je ne le vendais qu'une fois par moi. De cette somme il faut aussi savoir que paypal et ravelry se sucrent en passant, que je dois payer la tva de 21% et que ma déclaration tva est fait par un comptable (m'y connaissant absolument pas) qu'il faut aussi rémunérer.
      l'idée me trotte en tête, surtout en anglais, mais il faut que je pèse bien le pour et le contre avant de me lancer ...
      le gros problème, c'est qu'il y a trop de "free" sur internet, copies conformes ou copies légèrement retravaillées ...

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  7. A part un collectif d'auteurs lésés qui s'en prendraient aux responsables de cette faillite, je ne vois pas ce qu'il est possible de faire.
    Je partage cette colère et ce découragement car vraiment, il n'y a là aucun respect pour le travail et la créativité !!!
    J'espère que vous avez pu récupérer la totalité de votre travail au moins.
    C'est révoltant et puis, l'absence totale d'information et d'échange de la part des responsables donne vraiment l'impression d'être juste bon à être utilisé.
    J'espère que vous trouverez un autre éditeur car vos ouvrages et votre travail le méritent largement !!!

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  8. J'ai lu et commenté sur FB. Je t'embrasse

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  9. Bonjour, je ne vous connais pas, mais je vous soutiens. Je suis certaine que vous saurez rebondir de la meilleure manière qu'il soit. Il y a beaucoup d'injustice, et j'ai mal au cœur pour vous. Soyez forte, et que cela ne vous empêche pas de continuer ce que vous aimez !

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    1. merci Cécile, c'est certain, je rebondirais, mais c'est un coup dur, pas uniquement financièrement, mais surtout émotionnellement ... Je me concentre sur ce qui va bien pour l'instant, et le reste ... nous verrons ...

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  10. Oui bien injuste tout ça.....pourquoi ne pas créer votre site .....

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  11. Coucou désolée pour vous c'est une situation hallucinante !!!n'y a t il pas un moyen pour les auteurs de se regrouper en collectif et d'attaquer en justice ? En attendant courage à vous et tous mes voeux pour une année 2017 douce et agréable!!!bizzzz

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    1. merci Nanie, on verra ce que les prochains mois nous apporteront ... bonne fin d'année et bon début pour vous aussi!

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  12. c'est vraiment une honte!!
    courage à toi

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    1. merci ... bonne année 2017! nous restons optimistes ;-)

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Un grand merci pour votre visite ~ Many thanks for your visit !!

Have a nice day